Première partie :
L’occupation humaine sur le sol de Davron remonte aux temps les plus anciens. On peut la situer au début du troisième millénaire avant l’ère chrétienne.
A cette époque, Davron faisait partie d’une vaste zône forestière dans laquelle évoluaient quelques petites tribus mésolithiques dites de tradition « Campigiennes ».
Ces premiers habitants de Davron qui nous sont parfaitement connus, étaient presque exclusivement des chasseurs et des pêcheurs.
Ils récoltaient les fruits sauvages, le miel, et quelques racines constituaient une petite réserve d’hiver.
Les espèces d’animaux qu’ils chassaient n’étaient guère différentes de celles que nous voyons actuellement, excepté les loups et les grands animaux tel que le cerf et peut-être le daim.
Le Rû de Gally fournissait des truites (on en voyait encore avant 1914).
Les sources constituaient des points d’eau parfaits où nos premiers concitoyens venaient s’approvisionner, sans que leurs lieux de séjours ne soient situés, pour autant, à proximité immédiate.
Ceci nous fait supposer qu’un petit éloignement des points d’eau devait permettre à nos chasseurs d’y surprendre plus facilement les animaux sauvages venus, eux aussi, s’abreuver et que la présence permanente de l’homme aurait éloignés vers d’autres lieux plus calmes.
Nous avons retrouvé sur notre territoire des emplacements de stationnement et des restes d’un outillage de pierre, dont la patine témoigne de l’ancienneté.
C’est toujours un outillage petit, composé presque uniquement de grattoirs, écorçoirs, lames et tranchets.
Ceci nous conduit à penser que le matériel principal devait être fait de bois, d’os et de dents d’animaux.
Les bois de cerf jouaient aussi un rôle important dans l’armement de nos primitifs concitoyens.
Leur vie ne devait pas être très facile, puisque leur moyenne d’âge était d’environ 25 ans!
Mais un millénaire plus tard, la situation démographique a bien changé à Davron.
C’est maintenant la grande période néolithique et les stationnements humains sont plus denses.
Les grandes migrations ont passé sur Davron.
Deuxième partie :
Des peuplades nouvelles, venant de régions plus évoluées, envahissent notre territoire.
Elles arrivent d’Asie Mineure à travers les plaines danubiennes. D’autres encore remontent du Bassin méditerranéen, par la vallée du Rhône, de la Saône et de la Seine.
Elles apportent de nouvelles techniques dont la taille des pierres dures, en particulier du silex, qu’elles découvrent en abondance dans notre région.
Elles cultivent le blé et l’orge que leurs lointains ancêtres ont rapporté d’Orient.
Elles domestiquent les animaux et avec eux, l’homme n’est plus seulement chasseur et pêcheur, il devient agriculteur.
Enfin, elles connaissent l’art de la poterie et bientôt, à la céramique grossière faite à la main, succéderont des récipients faits au tour.
Tout ce travail de l’homme néolithique se retrouve à Davron, sur l’ensemble du territoire, depuis les rives du Ru de Gally jusqu’aux coteaux de Villiers.
L’outillage est important, car sa durée est souvent très courte. Les couteaux faits de silex sont vite ébréchés et doivent être rapidement remplacés. Aussi, au milieu des éclats de débitage, on rencontre des pièces de toutes formes, ayant servi à des emplois divers. La plupart d’entre elles sont brisées et les pièces intactes sont rares.
Tel un minerai, les rognons de silex étaient souvent recherchés en profondeur dans le sol, et à Davron, ils étaient abondants.
Mais, au cours de ces invasions, peut-être pacifiques, les arrivants apportent avec eux des pierres totalement inconnues dans nos régions, comme la jadéite, l’obsidienne, la grésite et d’autres minéraux taillables et polissables dont la présence permet de retracer le long cheminement des tribus à travers l’Europe.
Cependant, un certain nombre d’armes et d’outils a certainement fait l’objet d’un commerce d’échange avec diverses peuplades.
Les morceaux de poterie que l’on rencontre sont toujours très petits (au maximum 2 ou 3 cm).
Le travail des instruments agricoles et les intempéries les ont considérablement réduits, ce qui rend souvent très difficile leur identification.
Ils sont généralement de couleur noire ou rouge, et l’on reconnaît facilement les bords de récipients et les anses de préhension.
La fin de ce néolithique que l’on nomme chalcolithique, voit apparaître l’âge de bronze.
A ce jour, aucun objet de ce métal n’a été découvert à Davron, mais dans une commune voisine, on a retrouvé une hache de bronze datant d’environ 1.400 ans avant J.C. ainsi qu’un fragment de poignard de la même époque.
A la différence des pierres dures dont le réemploi était difficile, le métal brisé pouvait toujours être refondu, ce qui explique la disparition presque totale des pièces de bronze de la haute antiquité.
Le premier millénaireavant J.C. n’a pas laissé de trace à Davron.
Pourtant on y vivait autemps des gaulois, et à cette époque la population appartenait aux carnutes.
Il faudra attendre l’arrivée des légions romaines, pour que Davron prenne un nouvel essor.
Il sera très important.
Troisième partie :
La période Gallo Romaine
L’invasion de la Gaule fut commencée par Jules César, en l’an 58 avant Jésus Christ.
Les légions romaines parvinrent assez rapidement à Davron, puisque déjà Ambrorix, roi des Belges fut défait en l’an 51.
La période gallo-romaine s’étendra sur près de quatre siècles. Elle se terminera vers la fin du 4ème siècle, avec les grandes invasions barbares, encore que vers 275 et même avant, il y eut des invasions venant de l’est qui ravagèrent notre région.
A cette époque, Davron n’était sans doute, qu’une petite bourgade gauloise dont le nom descendrait peut-être d’un chef gaulois. Elle appartenait à la province romaine dite « Lyonnaise » qui s’étendait jusqu’à la rive sud de la Seine.
Le nom de Davron a dû évoluer au cours des temps. Les documents les plus anciens, datant seulement du 11ème siècle, citent : Davero - Daveron ou en latin Daverone.
Cultes et croyances
Si les Romains apportaient avec eux leurs Dieux et leurs coutumes, ils ne s’opposaient pas aux croyances locales. C’est donc le culte du Dieu gaulois Mirtha qui fut sans doute pratiqué à Davron, comme dans la région environnante.
Il n ‘est même pas exclu qu’un temple ait existé pour Myrtha, puis pour quelques dieux romains, à l’emplacement de l’église actuelle, la construction des églises chrétiennes se faisant souvent sur l’emplacement des temples antiques, afin d’éliminer plus facilement les anciennes croyances.
Le culte de Myrtha était particulièrement barbare. On y pratiquait parfois des sacrifices humains, que l’arrivée des Romains fit certainement cesser. Petit à petit, les dieux gaulois furent « romanisés » avant de faire place au christianisme.
Les exploitations agricoles et les villes
Pendant cette période d’appartenance à l’empire romain, le territoire de Davron fut entièrement cultivé. Les domaines agricoles gallo-romains étaient souvent fort importants et pouvaient varier de 200 à 3000 hectares dans les régions riches où l’on cultivait les céréales.
Rien de nouveau sous le soleil !!!
De grandes villas se construisirent dans la plaine. A Davron, quatre au moins sont connues. A ce jour, aucune n’a été fouillée. Toutes fouilles étant interdites sans l’autorisation des Affaires Culturelles.
Ces villas gallo-romaines n’étaient, en fait que des fermes, dont le logement du propriétaire, assez développé, était bâti en pierre sur un modèle d’habitat romain.
Il est probable qu’autour de ces villas existaient aussi des constructions en bois et en terre dans lesquelles les Gaulois excellaient. Ces constructions devaient être utilisées pour les esclaves et pour les animaux domestiques attachés à l’exploitation.
Dans certaines villas, l’eau de source voisine captée, était amenée par des conduites en terre cuite fort bien conservées.
D’autres étaient alimentées par des puits.
Les toitures étaient faites de grandes tuiles romaines dîtes « tuiles à rebord » dont les dimensions étaient importantes (environ 40 x 30 cm) épaisses de 3 à 4 cm, elles exigeaient une solide charpente.
La monnaie
Nous ne pouvons qu’imaginer ce que pouvait être la vie à Davron, à cette époque, mais il semble que les propriétaires des villas étaient parfois assez riches.
Il y a une dizaine d’années, fut découvert à Davron, l’un des plus importants trésors des Yvelines. Plus de quatre cents pièces de bronze et quatre d’argent furent sorties de terre par une charrue.
La plupart de ces pièces sont de la période des Antonin (années 96 à 192). Elles datent des empereurs romains Antonin, Hadrien, Trajan, Marc-aurele et Commode.
Les pièces d’argent sont à l'effigie de Faustine, femme de l’empereur romain Marc-aurele. Cette impératrice accompagnait Marc-aurele dans toutes les guerres, et était surnommée « la mère des camps ».
Poterie et céramique
Bien que quinze siècles nous séparent de ces lointains compatriotes, on retrouve parfois quelques morceaux de céramique dite « sigillée ». Les fragments de ces pièces de vaisselle sont rouge luisant, et comportent en relief, des dessins de personnages mythiques ou d’animaux, copie de la célèbre céramique romaine d’Arezzo.
Ils proviennent vraisemblablement de la grande fabrique gallo-romaine de Lezoux, et sont typiques du deuxième siècle.
Destructions des villas
Toutes les villas gallo-romaines de la région paraissent avoir été détruites par le feu.
Le fait que le trésor retrouvé n’ait pas été récupéré par ses propriétaires, laisse supposer que ces derniers ont dû fuir rapidement ou ont été passés au fil de l’épée lors des invasions. Il semble que pour Davron, ces événements se soient passés au cours du troisième siècle, avec le déclin de l’empire romain.
Quatrième partie :
Les anciens seigneurs de Davron
Le plus ancien seigneur de Davron que nous connaissions est Nivard de Poissy (Nivardi di Pisciaco dans les anciens textes latins de l’Abbayede Josaphat)(1)
Sa femme, dont nous ne connaissons pas l’origine familiale, se prénommait Hubeline.
Nivard appartenait à cette vieille famille de Poissy, alliée des comtes de Meulan, dont Jean-Baptiste SOUCHET(2) prétend qu’elle était apparentée aux comtes de Madrie, d’où seraient sortis les Capétiens, troisième race des rois de France.
Nivard était le frère de Simon de Poissy qui, de concert avec sa femme Mathilde avait donné à l’abbaye de Vaux de Cernay, tout ce qu’il possédait à Saint Nom la Bretèche, en 1175 !
Sa présence est connue à Davron dès 1095, sous le règne du roi Philippe 1er. Il aurait aussi servi sous le règne du roi Louis VI, dit le Gros, qui décéda à Paris, le Ier août 1137. Nivard, sans doute âgé de plus de soixante dix ans, mourut le 15 mai 1149 sous le règne du roi Louis VII.
La date de sa mort est connue avec précision grâce à l’un des obituaires des moines de Davron, déposé à la Bibliothèque de l’Arsenal de Paris(3). Il n’est pas possible de dire s’il a été ou non inhumé dans le chœur de l’église de Davron. Après huit siècles passés, les informations sont souvent inexistantes, mais il existe une probabilité.
Depoin(4) prétend que, grâce au cartuaire de st Martin de Pontoise, il a identifié Nivard de Poissy comme étant le même personnage que Nivard de Septeuil, qui s’allia à Guillaume le Roux, roi d’Angleterre.
Jean-Baptiste Souchet l’accuse d’avoir pris les armes contre le roi de France dont il était le vassal, et d’avoir contribué à de nombreux méfaits, notamment en s’alliant avec Amaury de Monfort et Robert de Meulan, qui, eux aussi, avaient pris le parti des anglais.
Parmi les voisins de Nivard, le seul resté fidèle au roi de France, fut Pierre de Maule.
Depoin nous dit aussi, selon les mêmes sources d’information que, revenu à de meilleurs sentiments, il aurait été absous par Yves, évêque de Chartres en 1098, et que ce fut à cette occasion, que dans la chapelle du Saint Evêque, lui et sa femme Hubeline, s’engagèrent solennellement à fonder une église dans le château de Davron dont Nivard était le seigneur.
Ce château appelé « Grand Hotel » devait se trouver sensiblement sur l’actuel emplacement de l’ancien presbytère de Davron, ainsi qu’en témoignait l’état de la « Vue et Montrée de la seigneurie de Wideville de1452. Malheureusement, ce document unique a disparu pendant l’occupation allemande du château de Wideville en 1940.
Grâce au Cartulaire de l’Abbaye de Josaphat, nous savons aussi que Nivard possédait la moitié des dîmes de Wideville.
C’est encore lui qui construisit le Prieuré de Davron qui fut occupé pendant plus de six siècles par les moines Bénédictins de Saint Maur.
Il a profondément marqué notre village et nous reviendrons sur son œuvre à Davron.
(1)Abbaye Bénédictine située à Leves près de Chartres
(2)Jean-Baptiste Souchet – histoire du Diocèse de Chartres édition de 1632
(3)Obituaire, registre sur lequel les moines notaient les messes provenant de
fondation
(4)Depoin, auteur de la traduction du cartulaire de Saint Martin de Pontoise.
Cinquième partie :
Les anciens seigneurs de Davron
Il est très difficile de suivre avec précision la filiation de Nivard de Poissy, dont nous avons relaté l’histoire dans le n° 69 de “L’écho de mon village”.
A cette époque, et même beaucoup plus tard, les fils portaient souvent les mêmes prénoms que les pères.
Il semble bien que ce fut le cas pour le fils aîné de Nivard ainsi que pour son petit-fils, ce qui conduirait à un Nivard troisième du nom.
Nous ne connaissons pas la vie de ce Nivard III. Il aurait eu un fils prénommé Geoffroy, qui confirma l’approbation de son père du don de quatre arpents de terre, près des fossés du château de Davron, faite au prieuré Sainte Madeleine de Davron par Pierre de Chennevières.
Ce Pierre de Chennevières était seigneur de Crespières et il subsiste encore des bâtiments de son ancien hôtel seigneurial.
Geoffroy de Poissy confirma également la donation du moulin de Wideville faite aux mêmes moines, ainsi qu’un revenu foncier que leur avait légué un certain Barthélemy Raulet.
Il n’eut qu’une fille, Marie, mariée à Simon Malfilatre, fils de Gaucher de Neauphle. A la fin du onzième siècle, bien jeune sans doute, il accompagnait son beau-père au siège du Montmorency.
Marie, sa fille, hérita de Davron.
De son mariage avec Simon Malfilatre, elle eut au moins six fils :Milon, Amauri, Gaucher, Thierri, Milo et Theudo. Ils sont nommés avec leur père dans le consentement qu’il donna à la cession de la dîme de Saint Martin de Bazoche, à l’abbaye de Saint Magloire.
Le fils aîné Milon fut d’abord écuyer d’IvesII de Courville. C’est lui qui succéda à son père dans la seigneurie de Davron. L’obituaire des moines de Davron mentionne son obit (décès) sous le nom de “MiloMiles de Daverone”, un 15 décembre en même temps que celui d’Héloïse, Dame de Crespières. Malheureusement, il n’est pas possible d’en préciser l’année.
Pendant plus de cinq siècles, cet obituaire, ou nécrologe, fut compulsé presque chaque jour par les moines de Davron afin d’assurer le service des messes à dire pour les bienfaiteurs de l’église et du Prieuré de Davron. Il s’en suivit une usure et, à l’heure présente, cet extraordinaire document est presque illisible. Il est probable qu'au cours des temps, des copies furent faites. Il serait intéressant de les retrouver car elles n’ont pas forcément disparu.
En1151, un certain Nivard des Mesnils et son frère Hugues furent témoins d’un don fait à l’abbaye de Josaphar, dont dépendait le prieuré de Davron, par Raoul, chevalier de Menerville. Il semble bien que ces deux personnages appartenaient à cette même famille des seigneurs de Davron.
En1230, un Simon de Poissy fit hommage à l’abbaye de Saint Denis, pour le fief de Davron. Ce Simon de Poissy jouissait de la confiance royale car, en 1223, c’est à lui que fut confiée la garde de l’hôtel épiscopal de Beauvais saisi sur l’évêque de Milon. Il aurait eu un fils nommé également Simon.
Sixième partie :
Je vous parle d'un temps que les moins de deux à trois fois vingt ans ne peuvent pas connaître : Davron, en ce temps-là, a vu partir les soldats. Tout d'abord les Allemands, puis les Américains, qui distribuaient aux enfants chewing-gum et chocolats. C'était le temps du retour de Londres du Général.
Un temps pas si lointain où le lavoir Saint Blaise ne recevait plus que la visite des enfants, où leurs rires joyeux ont succédé à ceux des lavandières.
Un temps où la grille du château était toujours ouverte, tout comme l'église, où l'on célébrait la messe tous les dimanches.
Un temps où l'élevage avait encore toute sa place à Davron, avec des bêtes à cornes, des chevaux et des centaines de moutons.
Un temps où la betterave était cultivée, avant de céder la place à la pomme de terre.
Un temps où les chevaux et les hommes commençaient à être remplacés par les tracteurs et les machines de toutes sortes.
Un temps où Brassens recevait les copains d'abord puis dormait auprès de son arbre au Moulin de la Bonde à Crespières.
Dans Davron aussi, on prenait le temps de s'arrêter au café, il y en avait plusieurs pour retrouver les copains.
On allait « Chez Glémo », qui avait repris le café « Gallard » le 20 octobre 1941, avec sa femme et sa fille nouvelle-née. On jouait au billard, à la belote tout en prenant un verre, et faisait ses achats à l'épicerie. Puis on passait au « Café Baron », pour un dernier verre.
La journée était rythmée par le passage des boulangers, il y en avait deux, ils venaient de Crespières.
Il y avait aussi Henriette, la laitière, qui faisait sa tournée. Henriette Barthélémy vit toujours à Davron, rue de Wideville.
Le vannier venait aussi, une fois le mois peut être plus, peut être moins.
Le garde champêtre, Mr Lenaou, passait dans les rues avec son tambour et faisait ses annonces.
La journée commençait tôt. On se levait vers cinq heures trente. La mère ravivait les braises dans la cuisinière à bois et le poêle à charbon. Le père avalait son café au lait et ses tartines avant de partir au travail, son casse-croûte sous le bras, à pied ou à vélo. Certains pouvaient marcher jusqu'à Maule tous les jours. D'autres prenaient le car à la « gare de Davron », elle était au bout de la route qui va vers Crespières, sur la 307. C'était un abri qui s'est effondré il y a quinze ou vingt ans. Le car pour Versailles passait à sept heures dix.
Puis la mère envoyait les enfants à l'école, mettait le linge à bouillir dans la lessiveuse sur la cuisinière, il fallait tourner et tourner encore puis frotter sur la planche et rincer et rincer encore.
Après avoir pris soin du potager et récupéré les légumes, nourri les poules et récolté les oeufs, la mère se lançait en cuisine tout en écoutant à la radio son émission favorite « Sur le banc » sur radio Luxembourg, avec Raymond Souplex et Jane Sourza. Sa voisine venait lui donner un coup de main quand il fallait mettre les légumes en bocaux.
Le repas mijotait depuis longtemps sur le coin du feu, et le lait était mis à bouillir après le passage de la laitière. On le laissait refroidir et on récupérait la crème, qui faisait le bonheur des enfants pour leur « quatre heures », sur leurs tartines après l'école.
La TSF (le poste ) était toujours allumée, et on riait aux calembours de Pierre Dac et Francis Blanche dans « Signé Furax » sur Europe, on suivait religieusement le feuilleton « La famille Duraton » et le radio crochet de Jean Nohain et Zappy Max sur Radio Luxembourg, la future RTL. Avant de monter se coucher, on préparait la brique chaude dans un linge pour tiédir les draps ; mais de toute façon, on était nombreux dans le lit et vite réchauffés sous le gros édredon.
Et puis le temps passait et la lessiveuse fut remplacée par la machine à laver, la TSF par la télévision. La mère ne faisait plus son potager mais allait chercher ses légumes chez Douilly ou Frémin, et sa viande chez Frichot. Le père acheta un solex ou une mobylette, et ses enfants une auto.
Il y avait toujours la fête du village à la Sainte Madeleine au 22 juillet. Les forains s'installaient devant la mairie, et ça durait trois jours. On terminait le lundi par la tombola. Il y avait du monde, car aux deux cents habitants de Davron s'ajoutaient les nombreux saisonniers et tous les villageois voisins. On allait d'ailleurs aux bals chez eux à travers champs, mais aussi au théâtre chez Monsieur de Chavagnac, au château de Wideville. Sinon on organisait des concours de valse « Chez Glémo », on y poussait les tables, il y avait du monde pour voir tourner José Gomez et Clémence Glémo.
Il y avait aussi les sorties organisées en car par la mairie, à l'occasion desquelles les habitants partaient à la mer ou allaient au théâtre à Paris.
Le jour de mardi gras n'était pas que la fête des enfants déguisés, les adultes aussi passaient grimés dans les rues à la nuit tombée. A Pâques, les enfants couraient dans les jardins de tout le village récupérer les oeufs déposés par les cloches. Les petites filles mettaient leur plus belle robe le jour de la fête de l'école, et tout Davron était mobilisé pour célébrer la Fête- Dieu et marcher en procession sous les décorations.
Et puis ce fut le temps de « Salut les copains » et de « Discorama » ; et bientôt Danielle Gilbert avec « Midi Première » remplaça Denise Glaser. C'était la fin des Trente Glorieuses.
Comme le disait le commentaire du film « Davron Autrefois » de Mr Cadyck, mari de l'institutrice, en 1974 :« Davron, c'est une certaine qualité de vie, un silence encore respectueux des hommes et des choses. Davron c'est un style de rapports humains où chaque visage porte un nom, c'est un lieu dont nous aimons à dire qu'il est notre village ! »